photo André Altiéri |
Jusqu’à la mer et au-delà (éditions Lansman)
est en train d’être créée au TDG de Grasse. Joëlle Cattino et la joyeuse bande
de Dynamo Théâtre s’emparent du texte et du plateau. Font se coïncider l’un et
l’autre. Téléphonent à l’auteur. Trouvent des fraternités. Téléphonent à
l’auteur. Se heurtent à des contradictions, des impossibilités. Téléphonent à
l’auteur.
Répètent, rigolent, s’engueulent, s’épuisent, fêtent ensemble le 06 mai ! Partagent leur joie au téléphone avec l'auteur....
photo André Altiéri |
Le théâtre est fait de l’impossible qui ouvre
tous les possibles. En fait, on appelle peut-être ça : l’homme.
Quand on y pense : splendide bonheur que
cette résidence qui nous a été proposée pendant 18 mois à Grasse ! Raconter
une ville, de sa création à nos jours. Forcément en tomber amoureux… L’aimer
avec toutes ses failles, ses faiblesses, et ses beautés effritées.
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Résultat : quatre soirées pleines à
craquer. Quatre soirées de bonheur. L’aboutissement. En même temps que la fin.
Voilà bien le plaisir trouble du théâtre. Jouir en même temps que finir…Quand
je vous le dis qu’il y a quelque chose de sexuel là-dedans !
En fait, le théâtre, c’est ça. Faire le compte
des espoirs et des erreurs collectifs. Témoigner de l’humanité avec son charroi
de fourvoiements, d’espoirs et, pourquoi pas, d’utopies.
photo André Altiéri |
photo André Altiéri |
Merci à la ville de Grasse, merci au TDG pour
cette superbe aventure !
Privilège de l’auteur, j’observe de loin. De
très loin puisque de retour du Nord, me voilà plongé dans un sacré problème. Faire
rentrer le monde de la mine, 260 ans d’exploitations minières dans une pièce de
théâtre, une pauvre petite pièce ! Moi qui ai coutume de dire et de répéter
qu’un plateau de théâtre c’est grand comme le monde, je ne peux jamais m’empêcher
de m’y sentir à l’étroit chaque fois que je commence un nouveau projet. Et
celui-ci particulièrement. Commencer par quoi ? C’est comme un boulet de
charbon, cette histoire. Sphérique, sans angles où mettre ses ongles. Et puis,
justement, se dire que le théâtre, cet art qui ne sera jamais autre chose que
rudimentaire avec ces instruments rustiques que sont le corps, la voix,
l’imagination, le théâtre est fait pour ça, c’est l’artisanat idéal pour
raconter ces destins de gens de peu. Alors commencer par quoi ?
Les conditions inhumaines dans lesquelles
travaillaient les premiers mineurs ? Raconter comment descente et remonte
se faisaient par des échelles dans le noir absolu. Raconter comment les
accidents étaient fréquents à la remonte de ces corps épuisés par douze heures
de travail éreintant et qui lâchaient les barreaux de fatigue et tombaient au
fond. Nombres de cadavres à l’époque étaient ceux d’enfants, filles et garçons.
Les catastrophes ? Raconter
l’hallucinant, ce qui dépasse tout raisonnement, toute imagination. La
catastrophe de Courrières de 1906 ? 1100 mineurs tués en mois de deux
minutes par un énorme coup de grisou qui parcourut 110 kilomètres à la vitesse
de l’obscur.
Raconter l’hallucinant qui n’en finit plus.
Comment 20 jours après, alors que toutes les recherches et opérations de
sauvetage avaient été abandonnées, on vit sortir 13 survivants. Ils avaient
cherché la sortie dans le noir absolu ! Pour survivre, ils avaient bu leur
urine et mangé des cadavres de chevaux (l’histoire officielle s’arrête à ce
type de nourriture..).
Raconter l’hallucinant inhumain. Comment 24
jours après, on vit remonter Auguste Berthou, seul.
Comment cette catastrophe (la plus grande en
Europe) fut à l’origine de la création du Ministère du Travail.
Les grandes grèves ?
Raconter ces Polonais qui, un jour de 1934,
décident de ne pas remonter… la première grève au fond. Raconter comment ils
furent expulsés sans délai ni ménagements. 20 kgs de bagage en tout et pour
tout pour ceux qui avaient fait leur vie ici.
Raconter la claustrophobie ? Le système étanche et
autonome des prestations sociales délivrées par les Compagnies et les
Houillères ?
Raconter les yeux qui voient de moins en moins, les poumons qui rétrécissent ? Les atermoiements des médecins du travail quant aux maladies professionnelles.
Raconter les yeux qui voient de moins en moins, les poumons qui rétrécissent ? Les atermoiements des médecins du travail quant aux maladies professionnelles.
Trouver les mots qui auraient la force des
dessins de Georges Higuet.
Trouver des situations qui auraient la beauté
dépouillée des poèmes de Jules Mousseron…
Commencer, raturer, chiffonner,
reprendre, plonger dans la poubelle pour retrouver la phrase griffonnée, celle
qu’il me faut… Bref..écrire quoi. Écrire simplement une histoire compliquée. En
faire du théâtre. C’est à dire simplifier sans réduire…
Et c’est ainsi qu’est née Et des Poussières…
(éditions Lansman)
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